



























Au cours d’une ronde, un employé d’une usine chimique de spécialités remarque vers 13h20 un dégagement de fumée blanche depuis les évents d’un bac de stockage intermédiaire d’acide acrylique (AA, C3H4O2, inflammable et corrosif, PE 141 ° C) remplis en vue d’un test de remplissage d’une colonne de distillation. Le bac est calorifugé et inerté à l’azote (70 m³, 75 mm en acier inoxydable). Il donne l’alerte et une équipe de pompiers internes tente d’arrêter la réaction de polymérisation exothermique en arrosant avec des canons à eau, l’ajout d’eau et d’inhibiteur étant impossible en raison de la fumée. Devant l’échec de ces mesures, l’exploitant appelle à 13h51 les pompiers de la commune qui envoient 25 hommes et 3 engins présents sur site à 14h05. Vers 14h30 , la réaction très exothermique provoque l’ébullition du produit qui fuit par les fissures de robe provoquées par la montée en pression dans le bac (2,6 bar). A leur arrivée, les pompiers sont avertis d’un risque d’explosion du bac par les opérateurs. Malgré cela, ils mettent en place des canons à eau supplémentaires pour appuyer les pompiers internes quand un BLEVE fait exploser le bac (P=6 bar, 3 kg equ. TNT) : plusieurs débris et une grande quantité de polymères surchauffés sont projetés dans un rayon de 70 m, puis 66 m³ d’AA et 28 de toluène issus des 5 bacs voisins endommagés se déversent dans la cuvette et alimente un feu de nappe allumé par un point chaud jusqu’à 22h30. L’explosion fait 37 victimes dont un pompier brûlé à mort, 5 blessés graves et 31 blessés légers parmi les intervenants. Les survivants, qui parlent « d’une pluie de feu tombant du ciel, brûlant les vêtements d’intervention et les masques de protection », ne doivent leur salut qu’à une fuite rapide. 2 des 3 engins de secours sont détruits et plus de 500 employés des entreprises voisines sont évacués. Le feu est maîtrisé à 15h30 le lendemain. Le site est fermé par mesure administrative pendant 1 mois et l’unité pendant 9 mois, provoquant une perte de 10 % des capacités mondiales de production d’acide acrylique. Les pertes de production sont de 450 M d’Euros (45 G Yen) et les dommages à 15 M d’Euros (1,5 G Yen).
Les résultats de la commission d’enquête officielle montrent que :
- le liquide en provenance du fond d’une colonne avait été chauffé, pour empêcher sa solidification pendant le transfert, à 100 ° C au lieu de 60 ° C prévu avant stockage ;
- le système de recirculation du liquide depuis le fond du bac où il est refroidi vers le haut du bac, pour homogénéiser la t°, n’avait pas été actionné pendant les 77 h de remplissage précédant l’accident, provoquant en emballement thermique de l’AA malgré la forte teneur en inhibiteurs du liquide ;
- l’opérateur ne disposait pas de moyen de contrôle en continu de la t° dans le bac ni de consignes d’exploitation relatives au suivi de la température , d’où la découverte tardive ;
- ce scénario n’étant pas prévu, aucun moyen efficace de contrôle de la réaction n’était disponible, l’arrosage du bac étant insuffisant du fait de son calorifugeage ;
- il n’existait pas de consignes d’intervention adaptées à ce type d’accident.
L’analyse de ces causes premières a montré que :
- la capacité de refroidissement du bac n’avait pas été prise en compte comme facteur de sécurité, du fait de la concentration en inhibiteur dans le liquide et de l’existence d’un système de régulation de la vapeur de chauffage, la t° du liquide avant son arrivée dans le bac n’étant pas non plus surveillée ;
- ce système de régulation avait été démonté peu de temps avant du fait de dysfonctionnements fréquents, sans analyse des conséquences au niveau de la sécurité ;
- les opérateurs ne disposaient pas de procédures d’exploitation à jour et la mise en route de la recirculation haute était exceptionnelle depuis 2 ans suite à une modification du process, seul un panneau situé à 15 m du poste opérateur signalait la nécessité de l’ouvrir pour des volumes de stockage important ;
- l’importance du suivi de la t° dans le bac n’était pas perçue du fait de la forte teneur en inhibiteur dans le liquide et des faibles volumes en fonctionnement normal , d’où l’absence d’instruments et de consignes de contrôle en continu ;
- pas de partage d’expérience en interne, une polymérisation accidentelle d’AA était survenu sur le même type de bac d’une autre unité en 1994 mais seul les bacs recevant des liquides de fond de colonne à plus de 80 ° C avaient été équipés de mesure en continu ;
- les rares incidents de polymérisation survenus précédemment avait été maîtrisés par arrosage à l’eau, conduisant à croire que toute polymérisation était maîtrisable de cette façon.
L’exploitant revoit ses procédures d’analyse des risques, de gestion des modifications, de formation et met en place un système de gestion du retour d’expérience interne et externe. Tous les paramètres de suivi des substances dangereuses sont revus équipement par équipement et l’instrumentation nécessaire mises en place.
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